lundi 11 février 2008

Couvertures anglaises d'Harry Potter (children's edition) 3

Pour en finir avec cette série, vu que j'ai terminé de lire le dernier roman il y a une ou deux semaines... et que j'ai envie de terminer le commentaire des couvertures vu que je l'ai commencé (le début ici, le 2e épisode ).
Le 4e tome de la série représente la première épreuve de Harry lors du "Tournoi des trois sorciers" (Triwizard Tournament). La composition est de Giles Greenfield, un illustrateur jeunesse sans grand talent, mais qui a le mérite d'être efficace. Composition triangulaire (corps/queue/jet de flamme), avec une oblique forte, celle du corps du monstre, qui dynamise ainsi fortement l'ensemble. Preuve de la dynamique de la figure, une partie de son cou et de ses cornes outrepasse le cadre de l'image pour s'inscrire dans le bandeau supérieur de la couverture, celle où apparaît typographiquement le titre. Manière classique mais toujours pertinente d'insister sur le caractère dynamique d'une figure, ou sur son aspect "trop grand pour le cadre", et donc impressionnant par rapport au petit Harry. On remarquera que les ailes du dragon sont à l'inverse coupées: on a véritablement l'impression que la bête a passé la tête sous le bandeau de titre, pour surgir dans l'espace du spectateur. Le ton est donné, on a affaire à un roman d'action... et c'est vrai qu'à partir de ce 4e tome, le ton est plus sérieux, on a affaire à du roman d'aventures plus qu'à du roman jeunesse (ou plutôt, on passe du roman jeunesse au roman d'aventures pour adolescent).


Les trois couvertures suivantes sont de Jason Cockcroft, un illustrateur jeunesse qui travaille régulièrement avec Bloomsbury, et qui de même que Greenfield n'a pas une imagination hors du commun. Ses autres réalisations sont bien mièvres... Je soupçonne Jason Cockcroft de ne pas avoir pris le temps de lire le 5e tome d'Harry Potter avant de l'illustrer: c'est la seule couverture qui n'ait aucun rapport avec le contenu narratif du livre. Certes, le phénix de Dumbledore (Fawkes si ma mémoire est bonne) doit bien apparaître à un ou deux moments, mais jamais importante narrativement parlant. Si cette illustration correspond bien au titre, elle ne représente donc pas un moment de l'histoire. Elle peut néanmoins être considérée comme une allégorie d'un événement majeur de la série, la résurrection de l'Ordre du Phénix: l'organisation secrète, qui existait avant la première défaite de Voldemort, se réorganise sous la direction de Dumbledore à partir (en gros) de la fin du 4e tome. L'envol du phénix en couverture symbolise, plus qu'il ne représente, le nouvel essor de l'organisation.
On remarquera au passage que Jason Cockcroft reprend ici le parti de représenter une créature volante, comme on en avait l'habitude depuis le 2e tome. Visiblement, le nec plus ultra du merveilleux selon les illustrateurs d'Harry Potter, c'est s'envoler... la vision du merveilleux ne semble pas avoir beaucoup changé depuis le Peter Pan de James Matthew Barrie. On remarquera le même dépassement du cadre de l'image que dans la couverture du tome précédent (et celle du 2e tome, incidemment), ici par le bout d'une aile de l'oiseau de feu. Jamais de dépassement de la bande inférieure: le but est de s'envoler, on vous dit.

On remarquera l'extrême laideur du personnage d'Harry Potter sur la couverture du 6e tome. C'est normal, me direz-vous, vu qu'il commence à devenir adolescent à ce moment de l'histoire, et que quand on a seize ans, en général on n'est pas gâté. Ceci dit, c'est peut-être aussi la frayeur d'être mangé par un revenant qui métamorphose son visage. Encore une fois une composition très dynamique, avec les courbes et contre-courbes de feu qui enveloppent les deux personnages, et qui sont coupées par le cadre du tableau, ce qui donne l'impression qu'elles continuent très loin autour d'eux. Un bel effet Sturm und Drang, donc, avec les cheveux des personnages qui s'en vont dans une direction différente de celle des flammes, pour accentuer encore, s'il en était besoin, le caractère centrifuge et dynamique de la composition. On a par ailleurs affaire à une débauche de couleurs saturées, avec du jaune, du bleu, de l'orange et du vert, ce qui donne un caractère criard qui ne s'arrangera pas avec la couverture du 7e tome.

Dernière couverture de Jason Cockcroft, et dernière de la série. Rien de bien neuf sous le soleil: on outrepasse la limite du bandeau supérieur, on adopte une composition très dynamique avec des lignes qui partent dans tous les sens, ainsi que des visages ridicules dans leur expressivité exagérée, et des couleurs saturées au possible. L'effet est on ne peut plus laid et criard, c'est véritablement l'aboutissement de la série du point de vue de la vulgarité et du tape-à-l'oeil.

Pourtant, une nouveauté intéressante, car il me semble signifiante: pour la première fois depuis le début de la série, on a affaire à une composition symétrique. Dans toutes les couvertures précédentes, on privilégiait une oblique plutôt que l'autre, alors qu'ici on a un cercle en position centrale (ou presque centrale, c'est je pense une question de découpage de l'image pour le montage de la couverture définitive) autour duquel s'organisent les trois figures... une en bas, une à gauche, une à droite. Pas de gros déséquilibre, malgré l'apparent chaos de la composition. Quelques pièces d'or voltigent en l'air, de chaque côté de l'entrée du caveau des Lestrange. On fera remarquer (si ma mémoire est bonne encore une fois, il faudrait peut-être vérifier) que J. K. Rowling, quand elle décrit la porte du caveau des Lestrange dans la banque de Gringotts, ne parle pas du tout d'un format rond, d'une entrée ronde.
Ceci semble être une invention de l'illustrateur, et même si après vérification du texte il s'avère que ce n'en est pas une, le choix de représenter cette porte ronde reste signifiant. Il signifie que c'est le dernier tome: l'histoire est finie, la boucle est bouclée, le tour de l'histoire a été parcouru, d'un bout à l'autre du cercle. Voldemort était mort (ou quasi-mort) au début du récit, il l'est définitivement à la fin: on a en quelque sorte un retour à la situation initiale, mais après un parcours houleux qui a amené de nombreuses morts, et un enfant à grandir. Fin d'une histoire à structure cyclique que vient par ailleurs souligner avec emphase (ou excès) le caractère symétrique de la composition, qui met un terme à la dissymétrie dynamique des autres couvertures. Il n'y aura pas de suite au 7e tome, le mouvement s'est "stabilisé", il s'est équilibré sans s'être toutefois arrêté: la vie continue pour Harry Potter et ses amis après la fin du 7e tome.

Ainsi, les couvertures des premier et dernier tome, à défaut d'être belles, sont du moins composées avec intelligence, ce qui est plutôt bien, vu qu'elles ornent des endroits symboliques de l'histoire: son entrée et sa sortie. Les couvertures des tomes intermédiaires sont, du point de vue iconographique, de qualité beaucoup plus hétéroclite, avec notamment un intrus (composition allégorique du 5e tome), et un manque de cohérence dans la série qui est peut-être dû au nombre important d'illustrateurs qui y a travaillé (4 en tout).

Dans l'ensemble donc (ton péremptoire et magistral), cette série de couvertures est un désastre esthétique, mais une bonne - bien qu'irrégulière et très relative - réussite iconographique.

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