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mardi 6 juillet 2010

Retour des Orientales 1 - L'Inde

Le weekend dernier, Cha et moi étions sur un petit nuage. La dernière édition du festival des Orientales à Saint-Florent-le-Vieil, la patrie de Julien Gracq, nous a permis de découvrir bien des artistes talentueux, et de nous envoler un peu vers d'autres horizons.

Arrivés tard le samedi soir, nous avons pu assister à la “nuit indienne” intitulée Rising Stars, nuit consacrée à la découverte de jeunes artistes prometteurs de musique classique indienne.

Rama Vaidyanathan (origine site de la danseuse)

La soirée commençait, à 23h00, par un spectacle de danse de Rama Vaidyanathan, accompagnée de son ensemble. Jeune artiste talentueuse, Rama Vaidyanathan s'est donnée corps et âme à une ancienne danse rituelle, la danse bharata natyam, qui consiste à danser les vieilles légendes mythologiques hindoues. Il s'ensuit une danse extrêmement évocatrice, à la limite du mime parfois, qui raconte de manière virtuose et évocatrice les aventures de Krishna , Shiva et des autres divinités du panthéon indien. Il faut souligner que Rama Vaidyanathan a eu le souci de faire partager le maximum de son art avec le public, dans la mesure où elle racontait les mythes en les mimant avant d'entamer chacune de ses danses, accompagnées par un flûtiste, un joueur de tabla et une chanteuse. Le spectacle était splendide, et c'était probablement la partie de la nuit indienne que j'ai préféré, très probablement en partie du fait que mon attention fatiguée a baissé pendant les deux autres spectacles.
La seconde partie de la nuit était consacrée à un concert de trois musiciens virtuoses d'Inde du nord, Debapriya Adhykary (chant khyal), Samanwaya Sarkar (sitar) et Madhurjya Barthakur (tabla, jugalbandi), qui dans la plus pure tradition hindustani ont improvisé sur un raga. Néanmoins, contrairement à l'habitude qui consiste à mettre en valeur un seul musicien en l'accompagnant de manière relativement discrète, le chanteur et le cithariste se sont ici partagé la vedette en dialoguant mélodiquement tout au long du concert, accompagnés par le joueur de tabla qui a également montré de quel bois il était fait vers la fin de la représentation. Trois musiciens virtuoses, pour un concert nettement plus contemplatif, mais tout aussi fascinant que le premier.
Le troisième concert, qui a commencé vers 1h30 du matin environ, s'est déroulé devant une assemblée plus éparse. Pourtant, il est très rare d'avoir l'occasion d'entendre un concert de shehnaï, le hautbois indien. Les frères Sanjeev & Ashwani Shankar, accompagnés d'un musicien occidental étudiant l'art du shehnaï en Inde ont pu nous faire découvrir cet instrument avec l'accompagnement traditionnel des tablas et de la tampura. Vous pouvez voir et entendre un extrait ici. Que dire sinon que, à 2h00 du matin, sous le chapiteau du festival, on se serait cru dans un temple lointain? En entendant cet instrument, j'ai compris pourquoi il avait tant servi à orner les rituels religieux: le son est empreint d'une telle emphase, d'une telle profondeur qu'il est particulièrement apte à donner une image, mobile et éternelle, du sacré.


Krishna, dieu de l'amour, accessoirement de la flûte et des bergers (origine Wikipedia).

Le lendemain matin, nouveau spectacle de Rama Vaidyanathan. Le spectacle avait lieu cette fois-ci au palais Briau, un improbable ensemble d'édifices, pour moitié en ruines, donnant sur la Loire au milieu d'un immense parc. L'ensemble, tout de brique mais imitant l'architecture des villas italiennes, avait autrefois été construit pour un grand industriel du chemin de fer du Second Empire. Dans l'entrée du palais transformée pour l'occasion en salon de danse oriental, on se serait cru dans le Salon de musique de Satyajit Ray. Les danses de Rama, ce matin, tournaient autour du dieu Krishna, grand flutiste s'il en est.
La danseuse nous a ainsi raconté une splendide lamentation aux oiseaux, où une femme amoureuse de Krishna, harangue les volatiles autour d'elle, la perruche, l'aigle, etc., en leur demandant de porter sa plainte au dieu pour qu'il vienne à lui. Jamais la mythologie de l'oiseau transport de l'âme vers les dieux ne m'a semblé aussi proche. Cela m'a rappelé une autre soirée, où d'autres histoires d'oiseaux nous avaient été contées. Décidément, je crois que j'aime les oiseaux autant que j'aime les arbres, surtout quand ils sont chantés, dansés, joués, racontés de cette merveilleuse manière.

mardi 11 mai 2010

Premières Pierres, une écologie de la littérature


Dernièrement je suis tombé sur les deux nouveautés d'un petit éditeur qui est à garder en tête, de même que Finitude, Héros-Limite et bien d'autres. Dans la forêt de Bavière est un récit autobiographique d'Adalbert Stifter, un écrivain autrichien du second (voire du troisième) romantisme, qui semble développer un sens aigu de la nature, dans la lignée de Friedrich et de l'ensemble du courant romantique allemand (et anglais).

Mais le livre sur lequel j'ai bondi est celui de William Gilpin, première traduction en français d'un essai peu connu de l'inventeur anglais de la notion esthétique de pittoresque, et qui nous livre ici ses réflexions sur la beauté du paysage naturel et la nécessité de le préserver à une époque, la fin du 18e siècle, où les effets de la révolution industrielle commencent pourtant à peine à se faire sentir. Comme si la notion de patrimoine naturel avait émergé à peu près en même temps que celle de patrimoine artistique (voir Dominique Poulot, Musée, Nation, Patrimoine, Gallimard). Décidément, cette fin du 18e siècle est une période absolument passionnante, et notre époque a toujours des leçons à tirer des idées développées durant la période romantique, qui avait dans bien des cas essayé de penser une conciliation possible entre les derniers idéaux humanistes hérités des Lumières et l'émergence de la société industrielle moderne.

Premières Pierres est donc un éditeur à surveiller de près, qui produit peu mais adopte une ligne éditoriale visiblement aussi exigeante qu'étroite, creusant le sillon d'une archéologie littéraire de l'écologie et du sentiment moderne de la nature, du romantisme jusqu'à nos jours. Dans leur catalogue, Goethe, Thoreau, John Burroughs, Carl Gustav Carus: toute une caisse de résonance de littérature «de plein air» qui apporte une bouffée d'air frais dans le paysage plus qu'asphyxié de l'édition contemporaine.

jeudi 6 mai 2010

Le conte et l'oiseau, une histoire naturelle

Ce fut un grand moment d'échange et de bouillonnement d'idées que la rencontre avec Fabienne Raphoz à la librairie Le Livre, à Tours, ce 23 avril dernier. Fabienne Raphoz, par ailleurs éditrice chez José Corti et auteur de livres de poésie chez Héros-Limite, présentait une anthologie de sa composition autour de la présence de l'oiseau dans les contes... et dans les contes populaires de tradition orale en particulier. Je renvoie à la page consacrée à l'ouvrage sur le site des éditions Corti pour une plus ample description de ce projet passionnant qui a consisté à débusquer des oiseaux — tous types d'oiseaux, imaginaires (l'oiseau de feu) et réels, génériques («un oiseau» dont l'espèce n'est pas nommée) et spécifiques (les corbeaux, cygnes, martinets, rossignols, poules, etc.) — dans les contes de tradition orale recueillis dans le monde entier, et parmi quelques mythes des «nations premières».
Les textes sont rangés dans l'ordre de la classification Aarne-Thompson, ordre canonique pour les folkloristes qui permet de classifier les contes en fonction de leur proximité avec un «conte-type», entité abstraite qui n'a pas pour autre fonction épistomologique que d'autoriser le rapprochement entre différentes versions d'un même conte.

Quelques illustrations d'Ianna Andréadis pour l'Aile bleue des contes, photographie que j'ai empruntée à son site internet.

L'ouvrage est magnifiquement illustrés de dessins en silhouettes d'Ianna Andréadis, artiste peintre qui a magnifiquement représenté les oiseaux selon leurs espèces, dans une sobriété de noir et de blanc qui ne peut que rappeler le noir de la typographie sur le blanc du papier. Mallarmé n'avait-il pas comparé la poésie à la grâce du vol d'un oiseau dans le ciel?
Les illustrations d'Ianna Andréadis sont, elles, classées selon un autre ordre canonique, celui du Handbook of the Birds of the World (HBW), qui classe les oiseaux selon leur espèce et leur famille, dans la plus stricte tradition taxinomique de la biologie animale, nommée du temps de Linné «histoire naturelle».
L'improbable Froba, ou oiseau bleu des contes, inventé par Ianna Andrédais pour l'occasion

Cette coexistence de deux classifications au sein d'un même ouvrage, celle d'Aarne-Thompson pour les textes, et celle du HBW pour les images, m'a laissé songeur. Il m'a semblé que nous avions comme deux histoires naturelles qui se rencontraient et s'entrelaçaient, celle des textes et celle des images, celle des contes et celle des oiseaux. Le conte, dont personne n'a pu jusqu'ici décrire l'origine et raconter l'apparition, ne serait-il pas au sens strict une histoire naturelle, au sens où les Grimm parlaient, justement à leur propos, de «poésie de nature» ? Sans vouloir dire que les contes sont nés de la nature comme les oiseaux (ils restent des objets de culture), le rapprochement entre les deux ordres, ici magnifiquement entrelacés, méritait d'être souligné. Splendide et magnifique rencontre, en tout cas, et absolument poétique, de l'art de raconter des histoires et de l'animal au chant divin qui parcourt l'azur des cieux.

vendredi 12 février 2010

Et in Arcadia ego

Le Temps des Grâces, de Dominique Marchais

Lundi dernier, je lisais cet article dans le Monde : Pour la première fois depuis 150 ans, la forêt ne gagne plus de terrain en France. La raison principale en est qu'un terrain vide consacré à la culture prend de la valeur avec la construction, valeur qui peut en être multipliée par 50, voire 300 en région parisienne. Par un heureux hasard, un film exemplaire est sorti cette semaine sur un sujet connexe : "Le Temps des Grâces", ou comment la France a saboté plus de 2000 ans d'héritage agricole en l'espace de 50 ans . Un documentaire efficace qui dresse le portrait effrayant de la course aux gains de productivité agricole, et la mort programmée d'une richesse ancestrale inestimable. Il ne s'agit pas du tout d'un documentaire "artistique", comme Raymond Depardon avec sa série des Profils Paysans, mais bien d'une démonstration classique, avec paroles de paysans et discours d'experts, et même quelques interventions lyriques de Pierre Bergounioux, qui permet de comprendre comment on en est arrivé là, et comment on peut s'en sortir - ou non. Si le film n'évoque pas directement le sujet traité par Le Monde, il en est question en filigrane, de manière très éclairante. Vous comprendrez le titre de ce billet en allant voir le film, que je vous conseille vivement.

vendredi 21 août 2009

Emerson, Woodnotes

Ralph Waldo Emerson


Dans la foulée, quelques vers de la traduction, par la même, d'un poème de Ralph Waldo Emerson, parue récemment (juin) dans le n°2 de la revue MIR, éditée par les éditions Ikko.



Ce paysan rêveur était assis, humble,
Auprès des eaux de la forêt ;
Les racines enchevêtrées du pin
Formaient les entrelacs de son trône ;
Le vaste lac, frangé de sable et d’herbes,
Était poli comme un verre
Coloré par les ombres vertes et majestueuses
De l’arbre et de la nue.




(c'est moi qui souligne)

Browning et la terre gaste

Je parlais dernièrement de l'Anneau et le livre de Browning, récemment paru aux éditions le Bruit du temps. La traduction par Charlotte d'un poème (Childe Roland at the Dark Tower Came) du même écrivain vient d'être publiée sur le site de la revue électronique Retors, animée par Sarah Cillaire. Réinterprétation romantique du thème merveilleux de la terre gaste, ce poème est aussi un parfait exemple de réécriture moderne d'un motif médiéval, celui du chevalier qui erre en quête de la Tour Sombre.

Robert Browning (1812-1889)


C'est surtout un très beau poème sur le désenchantement, qui me rappelle, dans un registre et une forme complètement différents, La Route de Cormac McCarthy, que j'ai lu très récemment sur les conseils d'une amie, Julia, et qui m'a considérablement bouleversé.

IX

Ecoutez-moi ! Je ne m'étais pas plus tôt
Engagé par la plaine que je fis halte,
Après un pas ou deux, pour jeter un dernier regard
Sur la grand route : le néant ; autour de moi une grise plaine :
Rien qu'une étendue grise, à perte de vue.
Autant aller de l'avant, n'ayant guère d'autre choix.

mardi 21 avril 2009

Romantiques américains

Walt Whitman

On ne se refait pas, j'ai été, je suis, et je suppose que je serai encore longtemps fasciné par les romantiques. Aussi bien ceux d'hier que ceux d'aujourd'hui. Aussi, la découverte d'un pan pour moi totalement inconnu de ce mouvement a été ces dernières semaines un événement assez important.
Le premier pas a été franchi il y a environ un mois, quand j'ai découvert la poésie de Walt Whitman, dont j'ai lu quasi intégralement, d'une traite, les Feuilles d'herbe dans leur version de 1855. Je l'ai lu dans le Lot, en pleine nature, comme doit, à mon sens, être lue la poésie, et spécialement cette poésie-là. Totalement happé par le panthéisme de Whitman, qui veut tout inclure dans son éloge de la vie, j'ai néanmoins été légèrement déçu par le travail de la langue, qui, est-ce l'effet de la traduction?, fait un usage un peu trop abondant de l'anaphore, et ne se renouvelle pas assez à mon goût dans ses effets. L'aspect extatique de sa poésie en prose m'avait néanmoins convaincu qu'il y avait là quelque chose à fouiller, un os à venir ronger.

L'étape suivante, en revanche, a constitué un véritable événement. Je n'avais jamais lu Thoreau, et n'en avais entendu parler que très récemment, mais le petit livre édité très soigneusement par Finitude, une petite maison d'édition bordelaise, m'a vraiment... je ne sais comment dire. C'est vraiment le coup de foudre. Rarement un livre m'a autant, non véritablement impressionné par son envergure ou son intelligence, mais remué personnellement. J'y retrouve toutes mes obsessions, mais également celles du siècle. La prose de Thoreau est pétrie d'un rejet du monde moderne, dans ce qu'il a d'aliénant s'entend, et du désir de revenir au monde. De ne pas fuir le monde, mais de revenir à lui. L'éloge des pommes sauvages n'est évidemment qu'un prétexte pour l'auteur à parler d'autre chose: du plaisir de la marche, de la contemplation des espaces sauvages, de la cause écologique - voire de celle de la décroissance -, et même des légendes et des mythes, qu'ils soient antiques ou bibliques...

Du coup, c'est toute une généalogie d'écrivains américains qui se dessine, et qui m'ouvre de grands bras accueillants. Charlotte avait lu un article sur Rick Bass dans le Matricule des anges, et découvert la piste de John Muir entre les pages de l'écrivain. Par ailleurs, elle découvrait et me faisait lire les poèmes de Ralph Waldo Emerson, dont elle traduit quelques-unes des oeuvres pour un prochain numéro de la revue Mir (à paraître).

John Muir

Entre Emerson et Rick Bass, il y a Whitman, Muir, Thoreau, et bien d'autres. Toute une lignée, dont la découverte est d'autant plus enthousiasmante qu'elle s'est faite hors des bancs de l'université. Par ailleurs, je constate que les uns comme les autres sont publiés (entre autres, bien sûr) par l'une de mes maisons d'édition préférées. Décidément, tout se ligue pour m'amener à penser que non, tout espoir n'est pas mort de recueillir, partager et contempler la beauté du monde.

dimanche 13 juillet 2008

Le paysage et la mort

Blotter, 1993, huile sur toile, 249 x 199 cm.

Dimanche dernier, comme la queue était trop longue devant le musée Guimet, Cha et moi avons reporté à plus tard notre visite de l'exposition sur Hokusai, et avons changé de trottoir pour nous diriger vers le musée d'Art moderne de la ville de Paris. J'avais vu les affiches pour l'exposition consacrée à Peter Doig, sans véritablement connaître l'œuvre de cet artiste d'origine écossaise: découvrir ses peintures a donc été une excellente surprise.

Peter Doig emprunte ses sujets, sinon au symbolisme, du moins à un romantisme tardif: fascination pour l'enfance, comme dans Blotter ci-dessus, goût constant pour le paysage et la nature, évocation du sublime, etc. Même ses peintures récentes, réalisées à Trinidad, ne sont pas sans rappeler la trajectoire d'un Gauguin, proche du symbolisme dans ses jeunes années. Malgré cette filiation et ces emprunts thématiques, la peinture de Peter Doig n'a rien de passéiste: ses effets picturaux n'oublient rien des apports de la peinture abstraite du XXe siècle, de l'expressionnisme abstrait en particulier: grands aplats de couleur et très grands formats comme chez Rothko, jeu sur les tâches et les entremêlements de lignes et de couleurs comme chez Pollock... avec une simplicité narrative qui n'est pas sans rappeler l'oeuvre de Hopper.

100 years ago, 2001, huile sur toile, 240 x 360 cm.

Des tableaux très impressionnants, qui manifestent, j'ai trouvé, un certain goût pour l'évocation de l'autre monde. Peut-être est-ce moi qui interprète, mais le tableau intitulé 100 years ago me semble une allusion directe à l'Île des morts de Böcklin (1886).

Böcklin, L'île des morts, huile sur bois, 80 x 150 cm.

Même arrangement des figures: une embarcation devant une île, perdue au milieu de nulle part. Sur cette île, des bâtiments blancs, et des arbres. Des cyprès dans le tableau de Böcklin, qu'on retrouve dans les esquisses de Peter Doig pour le même tableau, présentées à l'exposition. Même motif mythologique de l'île des morts, donc, mais réinterprété de manière très contemporaine: un canoë plutôt qu'une barque de Charon, un homme à cheveux longs, de grands aplats de couleur, etc.
Le tableau est, d'après la plaquette, inspiré par le film d'horreur Vendredi 13, qui raconte une histoire de meurtres autour d'un lac, avec un passage sur un canoë... télescopage de deux influences? C'est comme ça que s'élaborent les mythologies personnelles, et que naissent certains chefs-d'œuvre. Manière, en tout cas, de bien insister sur les rapports entre le paysage et la mort, sur la nature comme moyen d'accéder à l'autre monde.

Refraction (What does your soul look like?), 1996, huile sur toile.

Un autre tableau nous donne une piste pour entrevoir cet autre monde: Refraction, qui est absolument splendide dans ses couleurs et ses jeux de matière picturale. Le sujet est simple: un homme qui regarde son reflet à la surface de l'eau. Sauf que le cadrage se concentre sur le reflet, et renvoie ainsi l'individu à l'anonymat, et que le reflet est... une ombre. Dieu sait pourtant que ce n'est pas la même chose, Stoichita a écrit tout un chapitre de sa Brève Histoire de l'ombre (Droz, 2000) pour établir que le reflet était une représentation du même, alors que l'ombre était une représentation de l'autre.
Que penser alors d'un reflet qui soit une ombre? Le deuxième titre de l'œuvre (What does your soul look like?) nous donne un indice: c'est la représentation de l'âme de l'individu, une âme qui soit la sienne (et qui relève donc du même), mais qui ne se donne à voir que sous le motif du double (et qui relève ainsi également de l'autre): comme Claude Lecouteux l'a bien montré dans son livre Fées, Sorcières et Loups-garous au Moyen-Âge (Imago), l'une des formes privilégiées d'apparition du double est l'ombre.

J'ai encore du mal à voir comment faire le lien entre le même du reflet et l'autre de l'ombre, entre l'âme de l'individu et son double (qui a priori devraient normalement être deux choses différentes, même si très liées), mais une chose est sûre: l'eau est un passage vers l'autre monde, que ce soit sous la forme du reflet (Refraction) ou par le motif du voyage en barque vers l'autre côté du rivage, vers l'île des morts (100 years ago). La peinture de Peter Doig a une manière, très rare dans la création contemporaine, de restituer un sens ancien sous une forme neuve: d'imaginer des paysages modernes où se développe une logique mythologique archaïque.

samedi 5 janvier 2008

Réveillon bucolique

Bonne année 2008 à tous.

Personnellement, j'ai réveillonné dans la Creuse, sur le Plateau de Millevaches. Ci-dessous, une photographie de la Chapelle du Rat, dans une atmosphère très friedrichienne, à la tombée de la nuit.J'étais accompagné de Cha, du 4e tome d'Harry Potter et du Cahier de Verdure de Philippe Jaccottet. Difficile de ne pas partager ces quelques vers aux allures de haïku développé, trouvés dans la section "Fragments soulevés par le vent":

"Nouvelle année.

Est-ce mon père, au portail du jardin,
qui tire la sonnette couverte de neige?

La grande maison brille,
pleine de cadeaux et de robes."


Par ailleurs, je signale la publication très prochaine, courant janvier, de ce qui semble un excellent essai littéraire autour du personnage de Merlin, par Yves Vadé. Chez Corti, bien évidemment...