mardi 11 mai 2010

Premières Pierres, une écologie de la littérature


Dernièrement je suis tombé sur les deux nouveautés d'un petit éditeur qui est à garder en tête, de même que Finitude, Héros-Limite et bien d'autres. Dans la forêt de Bavière est un récit autobiographique d'Adalbert Stifter, un écrivain autrichien du second (voire du troisième) romantisme, qui semble développer un sens aigu de la nature, dans la lignée de Friedrich et de l'ensemble du courant romantique allemand (et anglais).

Mais le livre sur lequel j'ai bondi est celui de William Gilpin, première traduction en français d'un essai peu connu de l'inventeur anglais de la notion esthétique de pittoresque, et qui nous livre ici ses réflexions sur la beauté du paysage naturel et la nécessité de le préserver à une époque, la fin du 18e siècle, où les effets de la révolution industrielle commencent pourtant à peine à se faire sentir. Comme si la notion de patrimoine naturel avait émergé à peu près en même temps que celle de patrimoine artistique (voir Dominique Poulot, Musée, Nation, Patrimoine, Gallimard). Décidément, cette fin du 18e siècle est une période absolument passionnante, et notre époque a toujours des leçons à tirer des idées développées durant la période romantique, qui avait dans bien des cas essayé de penser une conciliation possible entre les derniers idéaux humanistes hérités des Lumières et l'émergence de la société industrielle moderne.

Premières Pierres est donc un éditeur à surveiller de près, qui produit peu mais adopte une ligne éditoriale visiblement aussi exigeante qu'étroite, creusant le sillon d'une archéologie littéraire de l'écologie et du sentiment moderne de la nature, du romantisme jusqu'à nos jours. Dans leur catalogue, Goethe, Thoreau, John Burroughs, Carl Gustav Carus: toute une caisse de résonance de littérature «de plein air» qui apporte une bouffée d'air frais dans le paysage plus qu'asphyxié de l'édition contemporaine.

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