dimanche 26 septembre 2010

Le bois et le jardin

Thoreau

Les nouvelles traductions sont à la mode... Autant je doute de la pertinence de celles du genre des Confessions de saint Augustin, dont le titre avait de manière polémique été transformé en les Aveux en 2008, autant Walden, de Thoreau, souffrait dans la précédente traduction de G. Landré-Augier d'avoir été retranscrite dans un français très lourd, voire poussif (j'ignore ce qu'il en est de la trad. de Fabulet chez Gallimard), et nécessitait sans doute une retraduction. Même si l'original est très digressif et parfois assez long, le style de Thoreau est loin d'être chargé, et je pense que la nouvelle traduction de Brice Matthieussent, parue ce mois-ci chez Le Mot et le Reste, sera très bonne. Je dis "je pense" parce que je n'ai pas encore eu le temps d'aller la voir, mais vu l'expérience du traducteur, qui s'est déjà confronté à la plupart des grands noms de la littérature américaine, je pense que l'on peut y aller les yeux fermés.

Arthur Rackham pour James Matthew Barrie, Peter Pan in Kensington Gardens, 1906
(pour célébrer la venue de l'automne)


En revanche, n'allez pas acheter les yeux fermés la nouvelle traduction par Céline-Albin Faivre de Peter Pan in Kensington Gardens de James Matthew Barrie, illustré par Rackham, parue il y a quelques jours. Autant il faut remercier les éditions Terre de Brume pour avoir accepté de rééditer un tel chef-d'oeuvre de la littérature enfantine avec l'intégralité des illustrations de Rackham, ce qui ne s'était pas fait en France depuis... 1907, autant on peut reprocher à cette nouvelle traduction d'être émaillée de lourdeurs, et surtout de contresens, comme ce "little persons" de la première ou deuxième page, je ne sais plus, qui est traduit par "petit peuple", faisant ainsi allusion aux fées alors qu'il n'est ici question, dans le texte de Barrie, que d'enfants (dans ce passage tout du moins, les fées apparaissant ultérieurement*)... Pour le reste, les illustrations couleur de Rackham sont superbement reproduites - j'ai plus de réserve pour les illustrations noir et blanc reproduites à l'encre violette, ce qui est très laid**. Et bien sûr le texte de Barrie est à lire (en anglais de préférence).

Dans la veine du romantisme écologique, il convient également de signaler la sortie, aux éditions Finitude, de la Vie dans les bois de Charles Lane, un livre auquel Thoreau a visiblement beaucoup pensé quand il a écrit Walden. C'est visiblement la première traduction française de ce court essai. L'automne se passera donc dans les bois ou les jardins, selon les goûts...

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* Au passage : l'expression consacrée en anglais pour le "petit peuple", c'est-à-dire les fées, est "little people", pas "little persons"...
** Décidément j'aime énormément la ligne éditoriale de Terre de brume, mais pas leurs maquettes (ni leur site en flash, d'ailleurs)...

vendredi 17 septembre 2010

Une bataille de chiffres

Marion Bataille, designer célèbre pour avoir réalisé un magnifique abécédaire pop-up, vient de sortir, chez Albin Michel, un magnifique livre sur les chiffres, dont la caractéristique est que les chiffres, de 1 à 10, se déplient et se retournent de manière à laisser apparaître un autre chiffre qui, additionné au premier, donnera systématiquement la somme de 11 : ainsi le 2 laisse apparaître un 9, le 9 un 2, le 3 un 8 et le 8 un 3, etc. Le livre joue ici sur la particularité des chiffres qui est qu'ils peuvent se combiner entre eux par des opérations mathématiques (ce qui n'est pas le cas des lettres de l'alphabet, qui s'agrègent, s'accumulent en mots, mais ne s'additionnent pas), mais c'est surtout une formidable expérience visuelle qui permet de mieux voir des formes devant lesquelles on passe habituellement de manière indifférente.



Quoi de commun entre un 9 et un 2 ? Tout, sauf la barre horizontale inférieure: tout dépend de la manière dont on le dessine, et c'est là que résident le travail et la réflexion de Marion Bataille.

Merci à Jean Véronis d'avoir signalé cette publication.

mercredi 15 septembre 2010

Rumpelstiltskin

Tiens, une nouvelle application Ipad (et Iphone) destinée aux enfants reprend un conte de Grimm, Rumpelstiltskin, signe, s'il en était besoin, de la prégnance de ces contes (plutôt que ceux de Perrault ou d'Andersen) dans l'imaginaire enfantin anglo-saxon.



Assez bizarrement, cette application consiste à feuilleter un livre virtuel, livre pop-up, certes, et amélioré avec pléthore d'animations impossibles dans un livre papier, mais livre quand même : signe, cette fois-ci, de la permanence de la forme symbolique du livre quand il s'agit de raconter une histoire. La mort du livre tant de fois annoncée, qui serait remplacé par l'écran, n'est qu'une vaste fumisterie: tant qu'on éprouvera le besoin de raconter des histoires, le livre, papier ou autre, répondra présent.