samedi 16 mai 2009

Le bruit du temps et la voix de Browning


Une nouvelle maison d'édition vient de naître en 2009, il y a quelques mois. Menée par Antoine Jaccottet (le fils du poète) et Cécile Meissonnier, transfuges de Gallimard, elle s'appelle le Bruit du temps, d'après le nom d'une oeuvre de l'écrivain russe Ossip Mandelstam. Le catalogue ne comprend pour l'instant qu'une poignée de titres, mais affiche déjà une politique éditoriale très ambitieuse et exigeante intellectuellement, pour l'instant essentiellement tournée vers la réédition de textes anciens.

Nous avons eu le loisir d'entendre un peu Antoine Jaccottet parler de son travail, et surtout de ses livres, hier soir à la librairie Le Livre, à Tours, qui fêtait ses 15 ans. Je partais d'un a priori négatif, me disant, au regard du site internet de la maison un peu trop bavard et "bien fait", que cela risquait d'être un brin guindé et narcissique. Et j'ai été heureusement surpris de voir un éditeur complètement passionné par les livres qu'il édite, qui ne parle pas de lui quand il parle de littérature, mais de littérature. Sa présentation de L'Anneau et le Livre de Robert Browning donnait vraiment envie de se confronter à ce pavé racontant en 21000 vers, à travers douze voix différentes, une sombre histoire de moeurs de l'Italie du 17e siècle. Quelques lectures de la traduction en prose de Georges Connes finissent de convaincre: il s'agit là d'un chef-d'oeuvre. Certes pas easy-reading, mais certainement pas non plus inaccessible et ennuyeux, contrairement à ce que la mauvaise réputation de poète victorien didactique de Browning pourrait laisser croire. A lire, donc, ainsi que d'autres textes du même éditeur, de Proust, Mandelstam, Auden ou James.
On voit par ailleurs que si la maison est nouveau-née, l'éditeur n'est certes pas débutant : ses premiers titres à peine publiés, il propose sur son site un catalogue très détaillé, ainsi que la possibilité de feuilleter les premières pages du livre sur écran, enfin les livres bénéficient d'une excellente maquette, et d'un prix marketing reposant sur la règle bien connue de ne pas afficher de chiffre rond (L'Anneau et le Livre coûte 39 euros). On voit ici qu'on joue dans la cour des grands, et le jeu est d'autant plus agréable que la valeur littéraire des oeuvres comme leur présentation matérielle sont d'une qualité irréprochables.
Bon vent au bruit du temps, qui recueille la rumeur des âges!

1 commentaire:

Dominique a dit…

J'ai découvert très récemment cet éditeur car je voulais "le timbre égyptien " de Mandelstam qui n'était plus disponible chez actes sud depuis longtemps, j'ai effectivement repéré l'oeuvre de browning cela va faire partie des achats programmés même si le coût est élevé
j'ai l'impression qu'un éditeur exigeant à suivre est né