mercredi 30 avril 2008

Reprendrez-vous un peu de viande ?

Hum Hum! Une fois n'est pas coutume, mettons nos tabliers, prenons nos couteaux de boucher, quelques litres d'hémoglobine, de beaux mâles et de belles femelles, et mettons tout cela dans un grand château équipé d'un laboratoire scientifique.

Juste après sa trilogie Flesh, Trash, Heat, (1968-73) et juste avant le très culte Blood for Dracula, Paul Morrissey et son ami Andy Warhol décident de faire un film en référence au mythe de Frankenstein. Oh la belle idée!

Aussi appelé Andy Warhol's Frankenstein, Flesh for Frankenstein raconte la jolie histoire d'un baron médecin qui, plein d'une charmante ambition dominatrice, s'est mis en quête de créer une race parfaite (ou supérieure, c'est selon...), grâce à l'union de deux créatures faites par lui et entièrement soumises à son commandement. C'est Udo Kier, habitué des rôles de vampires, qui joue le Baron, et Joe Dalessandro, le véritable sex symbol des films de ce genre (et surtout l'égérie de Morrissey), qui joue le fauteur de troubles.
Joe Dalessandro

Le spectateur chevronné retrouvera chez le baron les vices qu'il y cherche : membres découpés et recousus, viscères associés au plaisir sexuel, expériences sur la race humaine, corps soumis à un dominant etc. D'ailleurs sur le plan visuel le film est assez cru (interdit aux moins de 18 ans), et ne se refuse pas à montrer à peu à près tout ce qu'il y a montrer (têtes coupées, plaies béantes, viscères dégoulinants et j'en passe).


Mais au-delà de la barbarie complète à l'oeuvre dans ce film, se dégage une atmosphère très poétique, presque méditative. Le château aux allures gothiques, le laboratoire complètement circulaire et symétrique, les enfants qui observent tout en silence, tous ces éléments nous plongent dans une sorte de contemplation qui ne rend que plus effrayant ce qui se déroule sous nos yeux. Comme je ne regarde pas énormément de "films d'horreur", mes références vont plutôt vers les films d'auteur, et j'ai franchement pensé à Salo de Pasolini - même si bien évidemment il y a un gouffre entre les deux : Salo est absolument abject, alors qu'ici on rigole tout du long! - en ce sens que par-delà les images choquantes et perverses, ce film offre également une vision du monde.

La femelle du couple dans le laboratoire du baron

Ce qui fait de Flesh for Frankenstein un film essentiel, particulièrement aujourd'hui, c'est qu'il met en évidence les vices auxquelles notre société moderne est la plus sujette (et dont les effets se font de plus en plus voir depuis la seconde guerre mondiale), comme la chirurgie esthétique (opérer le corps en vue de le rendre conforme à l'idée de beauté) et l'idée de "fabriquer" des humains parfaits en recollant ensemble, comme notre cher Baron, des bouts de tissus, de viscères, et de cerveau. Le film vient nous rappeler que derrière chaque manipulation génétique, physique, mentale, sexuelle, se cachent la souffrance et l'aliénation, et à l'arrivée : la mort. Je ne veux pas pour autant dévoiler la fin du film - même si le dénouement ne fait pas l'objet d'un grand suspense - au cas où certains d'entre vous auraient la joyeuse idée de le regarder.

Pour les âmes sensibles, s'abstenir n'est pas nécessaire, sauf après un repas. Me ferez-vous quand même le plaisir de reprendre un peu de viande?

3 commentaires:

BS a dit…

Eh ! ça a l'air drôlement plus marrant que Flesh, Trash ou Heat (que j'ai trouvé royalement ennuyeux, si je puis me permettre) !

Anonyme a dit…

À cause de Jean Carriès, et de sa grenouille à oreilles de lapin, me voici entrain de vous lire. Un très beau hasard que de m'être retrouvée ici chez vos ombres vertes. Un blogue très nourrissant, bien alimenté, non pas seulement de viande mais de caviar ;-)

Pour connaître toute l'histoire sur votre découverte, je vous invite à regarder à travers mes fenêtres ouvertes.

www.lesfenetresouvertes.blogspot.com

François a dit…

anonyme: bienvenue et merci pour les compliments!