dimanche 18 octobre 2009

Dans les coulisses de la création

Je viens d'écouter la passionnante entrevue qu'Elena Balzamo a accordé à Antoine Perraud pour son émission Tire la langue. Universitaire polyglotte spécialisée dans les contes scandinaves, traductrice et essayiste, Elena Balzamo s'est lancée dans un projet qui lui a valu la bourse jean Gattegno du Centre national du livre: la traduction en trois volumes d'un choix de lettres d'August Strindberg, dont le premier volume vient de sortir chez Zulma.

Je connaissais Elena Balzamo pour ses traductions de contes populaires et littéraires scandinaves, également pour son travail sur la Carta Marina d'Olaus Magnus, mais elle a aussi œuvré dans des domaines moins "merveilleux", comme la traduction du russe de poèmes du goulag ou encore ce travail sur Strindberg. La correspondance d'un écrivain permet sinon d'avoir accès aux différentes étapes de la création de son œuvre, et donc de pénétrer les mécanismes concrets de la création littéraire, du moins d'autoriser une incursion dans la vie personnelle, parfois quotidienne, parfois extraordinaire, où celle-ci a pris sa source. Sans toujours donner d'indications précises sur la génétique des œuvres, elle permet sans doute de mieux en comprendre la genèse: elle donne ici en effet un accès privilégié aux névroses, aux bouillonnements intellectuels et sensibles, à la vie intérieure de l'auteur d'Inferno.

Dans le même registre, il est important de noter la récente publication d'une nouvelle édition du Journal de Delacroix, qui n'était jusqu'à ce jour disponible que dans une édition établie. de manière approximative. Michèle Hannoosh, la chercheuse américaine qui s'est occupée de ce travail titanesque, a pris le soin d'ajouter à son édition des inédits, qui permettent d'augmenter encore la taille des écrits du peintre. Delacroix, fidèle en cela à son époque empreinte du dialogue entre les arts, avait, tel Girodet dans sa jeunesse, envisagé pendant un moment une carrière d'écrivain en lieu et place de celle de peintre, et était pétri de littérature. Le journal de Delacroix était déjà passionnant dans son édition antérieure: il permettait de pénétrer dans les réflexions du peintre à propos de son œuvre et de celle de ses contemporains, mais aussi à propos de la littérature et plus généralement de la société de son temps. Coulisses de la création personnelle, mais aussi formidable témoignage sur la période romantique.

Màj 24-10-09: normalement Michèle Hannoosh devrait venir présenter son édition du Journal de Delacroix le samedi 21 novembre à la librairie Le Livre, à Tours. 80 euros, ça fait un beau cadeau pour les fêtes...

2 commentaires:

Continuum a dit…

Ton histoire d'amour avec José Corti ne faiblit pas, je vois !
A propos de correspondances, journaux etc. comme témoignage d'une époque, ça me rappelle les écrits (mémoires, critiques...) de Berlioz par exemple, qui sont parfois plus passionnants que sa musique elle-même, et très instructifs sur la vie musicale au 19è siècle !

François a dit…

Disons que la parution de ce journal est aussi très importante dans le champ d'histoire de l'art qui m'est proche... En plus je vais bientôt aborder Delacroix avec mes étudiants.
Je te rassure, je suis néanmoins capable d'infidélités à Corti (avec Zulma, Verdier, Finitude, MeMo et d'autres...), c'est juste que j'ai pris l'habitude de suivre de près leurs parutions, à moitié parce que j'ai un peu travaillé pour eux, à moitié parce que leur ligne éditoriale me plait beaucoup (romantisme, romantisme...).