dimanche 12 octobre 2008

The Way of All Flesh

Bon, j'étais un peu dubitatif quand j'ai entendu tous les effets sur le chant et les bouts de sons digitaux par-ci par-là, mais non. A deuxième et troisième écoutes, le dernier album de Gojira confirme la réputation du groupe. Pour parler jeune, ça déchire sa race. Juste le troisième morceau, A Sight to Behold, que je trouve mal foutu et inutile, le reste est plein d'idées rythmiques et sonores phénoménales et vachement bien produites. The Art of Dying est notamment parmi mes titres préférés. Et puis le concept qui tourne autour des différentes conceptions de la mort et de la vie après la mort est assez bien mené. Ne pas s'attendre néanmoins au son brut et simple des deux premiers albums, le groupe a évolué et aime désormais les arrangements.

samedi 11 octobre 2008

Jamais deux sans trois

Le samedi 22 novembre à 9 heures, dans la salle des Colloques de l'université Grenoble 3-Stendhal, aura lieu la soutenance de la troisième thèse française sur les contes de Grimm. La première étant celle d'Ernest Tonnelat, en 1912, et la deuxième étant... la mienne, l'année dernière, quoique je n'aie étudié les contes que de seconde main, et que mon objet principal ait été les illustrations.

La thèse de Natacha Rimasson-Fertin a pour objet une étude comparée, à la fois littéraire et anthropologique (histoire des croyances populaires), des contes de Grimm et d'Afanassiev. C'est un doctorat d'allemand, qui a pour titre:

L'autre monde et ses figures dans les Contes de l'enfance et du foyer des frères Grimm et les Contes populaires russes d'A. N. Afanassiev.

Caspar David Friedrich, Brouillard, 1807, huile sur toile, 34,5x52cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum

Je précise simplement que Natacha est la traductrice de la prochaine édition critique des contes de Grimm, à paraître l'année prochaine chez Corti. Bon courage à elle pour la dernière ligne droite.

jeudi 9 octobre 2008

Jackson, Del Toro, Rackham, Tenniel au pays des merveilles

Très amusant compte-rendu d'interview de Guillermo Del Toro, le réalisateur des deux Hellboy et du Labyrinthe de Pan, où l'auteur du billet développe les liens entre ce dernier et Peter Jackson, réalisateur de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Où l'on apprend notamment que Guillermo Del Toro va tourner prochainement Bilbo le Hobbit en Nouvelle-Zélande, que les deux réalisateurs collectionnent les jouets, et que Del Toro est particulièrement amateur... des livres illustrés par Arthur Rackham et Edmond Dulac. Qui ne sont que très rarement, n'en déplaise à Aurélien Ferenczi, l'auteur du billet, des "romans victoriens", mais plutôt, en général, des classiques de la littérature mondiale, et en particulier de la littérature merveilleuse et légendaire.

Quand on voit certaines images de Del Toro, surtout dans Le Labyrinthe de Pan, il est évident qu'elles rappellent les images de Rackham, et les illustrations victoriennes en général. Comment ne pas penser aux illustrations de Tenniel pour Alice au Pays des Merveilles en voyant le costume bien apprêté de cette petite fille, et à celles de Rackham quand on voit cet arbre tordu, aux formes évocatrices? De même, dans l'image ci-dessous, l'héritage d'Alice au Pays des Merveilles est flagrant, avec son imagerie de petite fille rentrant dans un terrier et arrivant dans un long couloir souterrain qui l'achemine vers l'Autre Monde. A la différence que la version de Del Toro de l'Autre Monde est bien plus terrifiante que celle de Carroll, et qu'elle doit autant à Lovecraft ou à Clive Barker qu'à l'auteur d'Alice.


Pour information, Alice est représentée par John Tenniel, selon les injonctions de Lewis Carroll lui-même, comme une petite fille aux cheveux longs et blonds.
John Tenniel, illustration pour Alice, 1865.

Mais la véritable Alice, Alice Liddell, dont Lewis Carroll s'inspire pour écrire Alice au Pays des Merveilles, est connue par des photographies (toujours de Lewis Carroll) où elle porte ses cheveux bruns dans une coupe courte, au carré.
Lewis Carroll, portrait d'Alice Liddell, années 1860.

Quand Rackham illustrera à nouveau Alice au Pays des Merveilles en 1907, il suivra le parti de John Tenniel, qui avait été, sous les injonctions de Lewis Carroll, de dissimuler l'identité d'Alice Liddell sous une perruque blonde.
Arthur Rackham, illustration pour Alice, 1906.

C'est sous cette forme de petite fille aux longs cheveux blonds que l'on connaît généralement le personnage d'Alice, mais tous les illustrateurs ne l'ont pas représentée comme telle. Ainsi Charles Robinson, toujours en 1907, représente Alice les cheveux bruns, au carré... La très intéressante version en album, illustrée récemment par Jong Romano, représente encore une fois Alice brune avec une coupe mi-longue, mais avec des couettes cette fois-ci, histoire de la moderniser un peu. Tout se passe comme si nous n'avions que deux représentations possibles du personnage d'Alice: les cheveux courts (ou plutôt mi-longs) et bruns, ou longs et blonds. Le parti de Guillermo Del Toro, pour faire allusion au personnage de Carroll, a été de faire référence au type, sinon le moins fréquent, du moins le moins connu: celui aux cheveux bruns et mi-longs. Justement pour que sa référence au personnage de Carroll reste une simple allusion, et ne relève pas de l'évidence absolue.

Jong Romano, couverture pour Alice au Pays du Merveilleux Ailleurs, Au Bord des Continents, 2000.

Quant à l'influence des images de Rackham sur ce film, c'est une autre histoire. On a déjà vu les formes d'arbres tordus, qui doivent peut-être autant à l'univers de Tim Burton qu'à celui de Rackham (mais Tim Burton connaît très probablement lui-même très bien l'oeuvre de Rackham). Qu'il nous soit juste permis de faire allusion au livre que tient Ofélia au tout début du film (mes excuses si je n'ai pas d'image à montrer): c'est un livre de conte de fées illustré en silhouettes, genre de représentation dans lequel s'est particulièrement illustré Arthur Rackham...

lundi 29 septembre 2008

Typographie


Dans mes recherches sur les Didot, j'ai trouvé un excellent site internet sur la typographie: Affaire Esperluette. Il y a plein d'explications sur les familles de caractères (humanes, réales, didones, linéales, etc.), ainsi que sur quelques polices très connues ou importantes historiquement (le Times, le Grandjean, le Garamond, le Caslon, le Baskerville, etc.) Vraiment très bien fait, ce site, je trouve. Je regrette juste qu'il n'y ait pas un peu plus d'exemples visuels: il y en a, mais pas sur toutes les pages.

vendredi 26 septembre 2008

Forêts scandinaves

J'ai écouté cet album pendant tout le mois d'août. Eternal Kingdom de Cult of Luna, lumière montante du post-hardcore à la Neurosis et Isis. Lumière nordique également: leur musique est très froide, et dégage une ambiance de forêt scandinave. Ce que j'ai aimé dans leur dernier album, sorti en juin dernier, c'est la musique bien sûr, avec ses passages de cor de chasse et ses ambiances froides et oppressantes, ainsi que le design du packaging (réalisé par Erik Olofsson, qui fait partie intégrante du groupe et est par ailleurs designer), qui est véritablement superbe avec ses réemplois de vieilles xylographies dans le livret, et sa splendide couverture dessinée par Pär Olofsson. Mais j'ai aussi surtout apprécié l'histoire qui a entouré sa création.
Cette histoire, que dévoile le chanteur sur le myspace consacré à l'album, je voudrais la reprendre en quelques lignes. Dernièrement le groupe, qui vit et travaille en Suède, avait changé de lieu de répétition, et s'était installé pour ce faire dans un ancien asile psychiatrique. En faisant du ménage dans leur local, ils trouvent des vieux papiers médicaux, des peintures et autres productions de patients aliénés... Parmi tout ce fourbi, ils trouvent notamment le journal intime d'un dénommé Holger Nilsson, intitulé Contes du royaume éternel. Ils découvriront par la suite que celui-ci a été condamné pour le meurtre de sa femme, et incarcéré à vie dans cet asile.
Dans son journal, Holger Nilsson explique comment sa femme a été tuée par le Näcken, qui est présenté par le groupe comme un équivalent suédois populaire de Satan, mais qui semble surtout, d'après Wikipedia, être l'équivalent masculin d'une nixe, et tient en tout cas la fonction d'un genius loci à caractère maléfique. On a notamment un très beau et suggestif nokken norvégien représenté par Kittelsen.

Quoi qu'il en soit, ce Holger, pour maquiller son meurtre, s'invente visiblement une histoire où le Näcken, sous la forme d'un hibou maléfique, roi des mauvais animaux, tue sa femme. Durant la nuit, il voit une lumière dans la forêt, et commence à se diriger vers elle. Il arrive alors près d'un feu autour duquel dansent des animaux et des garous - des hommes-loups, des hommes-ours... Il voit également un gitan, qui se révèlera être Ugin, le Roi Hibou: tout ceci constitue en fait une sorte de sabbat, une réunion des mauvais animaux. Le gitan se transforme en hibou quand il voit Holger, et le fait prendre en chasse. Holger réussit néanmoins à s'enfuir, et le lendemain il reçoit la visite d'un représentant des bons animaux, qui sont menés par un grand tétras (capercaillie). Le Roi Grand Tétras lui explique alors les secrets de la forêt, et la lutte qui oppose les bons animaux aux mauvais animaux. Il lui explique qu'ils ont envoyé un espion dans le camp des mauvais animaux, et qu'ils se préparent à lancer une attaque décisive grâce à une information qu'ils ont réussi à acquérir. L'information se révèle en définitive fausse, et l'attaque se solde par un échec des bons animaux, qui sont encerclés et capturés. Holger se fait également capturer, et enfermer dans un dongeon: dans la vie réelle, l'asile psychiatrique.

Cult of Luna, dans les paroles de son album et le déroulement de ses morceaux, ne ferait que reprendre, à sa manière, l'histoire de Holger et son univers de forêt nordique peuplée de bons et de mauvais animaux se livrant une lutte éternelle. L'histoire ressemble point pour point, sinon à un conte de fées, du moins à un récit tiré du folklore, type mémorat ou légende. Je ne sais pas si ce journal de Holger est une invention complète du groupe destinée à mieux vendre leur album ou bien une histoire vraie, toujours est-il qu'elle est très réussie. La conjonction du récit d'un fou et d'un récit de type folklorique, avec le Näcken comme source de tous les maux, produit un mélange détonnant, où l'on ne sait plus ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Je ne sais pas si Cult of Luna a inventé cette histoire, ou si Holger Nilsson a réellement existé; je ne sais pas, dans le cas où Cult of Luna n'aurait rien inventé, si Holger Nilsson était fou, s'il a été victime de ses croyances superstitieuses, s'il a mêlé sa folie à ses croyances, ou s'il a vraiment vécu les choses telles qu'il les a racontées. Mais je sais que j'adore cette incertitude, et c'est ce mélange des réalités que, personnellement, j'appelle le merveilleux.