mercredi 27 janvier 2010

Bloomsbury

Une exposition sur le très intéressant groupe de Bloomsbury a lieu en ce moment à Roubaix, jusqu'au 28 février, au musée La Piscine. Le Bloomsbury group est un groupe d'intellectuels et d'artistes qui, au tout début du 20e siècle, ont vécu réunis ensemble autour du square de Bloomsbury square, à Londres, du côté du British Museum. Je passe l'histoire du groupe, (voir aussi sur le site de la Tate) assez complexe dans la mesure où liens amoureux et familiaux se sont régulièrement ajoutés aux affinités intellectuelles entre les deux sœurs à l'origine du groupe, Virginia Woolf et Vanessa Bell (l'une écrivain et l'autre peintre), les deux cousins Lytton Strachey et Duncan Grant (le premier homme de lettres et le second peintre), ou encore Roger Fry, peintre et critique d'art, l'écrivain E. M. Forster et l'économiste John Maynard Keynes, pour n'en citer que quelques-uns parmi les plus célèbres.
Toutes ces personnes étaient issues de la meilleure société bourgeoise, voire aristocratique, et ont vécu dans le quartier de Bloomsbury, alors peu huppé contrairement à celui de Kensington, dans une atmosphère d'effervescence intellectuelle et de liberté morale. Leurs moeurs, bien que peu répréhensibles, faisaient scandale: on supportait tout simplement mal que deux femmes célibataires telles que Virginia (future épouse Woolf) et Vanessa (future épouse Bell) Stephen vivent de manière indépendante au milieu d'artistes homosexuels, et qu'elles soient susceptibles d'un avis personnel et d'ambitions autres que celle d'être une bonne épouse et une bonne mère. Les histoires d'amour «en triangle» de différents membres du groupe ont par ailleurs fait décrire ce mouvement ainsi : «It is a circle of friends who live in a square and love in triangle

Roger Fry, Vanessa Bell, 1916. (source wikipedia)

L'exposition de Roubaix, que je n'ai pas eu l'occasion de voir mais dont j'ai eu la chance d'écouter la description sur un podcast de France culture qui n'est plus disponible (ne le cherchez plus), se consacre à l'aspect proprement artistique des créations du groupe, en général passé sous silence du fait d'une mise en avant des grandes figures littéraires (Woolf et Forster) ou intellectuelles (Keynes) du groupe. L'aspect particulièrement intéressant de cette exposition est qu'elle semble notamment mettre en valeur les arts décoratifs: à la manière anglaise, et dans la tradition des Arts and Crafts (même si le Bloomsbury Group se détache du mouvement piloté par William Morris sur de nombreux points), les innovations françaises du post-impressionnisme et du fauvisme sont revues et réexploitées d'une part dans l'espace domestique de tous ces artistes, et d'autre part concrétisées dans les Omega Workshops menés par Roger Fry, qui joue ici un rôle à la fois de passeur de l'art moderne français et de tête pensante en ce qui concerne cette entreprise particulière des ateliers d'art décoratif.

Roger Fry, autoportrait. (source wikipedia)

Ce groupe d'artistes est passionnant non seulement parce qu'on y retrouve beaucoup des grands noms de la modernité anglaise, que ce soit en art ou en littérature, et même en économie (Keynes), mais surtout parce qu'il est une application particulièrement frappante du principe romantique selon lequel l'art doit fusionner avec la vie. Toute la vie de ces artistes était orientée vers l'art, et ils n'ont cessé de travailler, qui à écrire, qui à peindre, pour transformer leur cadre de vie et faire évoluer leur pensée. Loin de l'image d'un petit groupe de gens bien nés qui n'ont pas besoin de travailler pour vivre et qui passent leur temps à discuter et à échanger des points de vue utopiques dans des chaises longues, il faut comprendre ce groupe comme un atelier où ont travaillé ensemble différentes personnalités éprises de liberté intellectuelle et morale, et duquel ont pu émerger les œuvres majeures que l'on sait.

Lytton Strachey et Virginia Woolf (source wikipedia).


samedi 16 janvier 2010

Bright Star

Suprême ravissement du dernier film de Jane Campion qui m'interdit d'en parler plus avant.


I had such a dream last night.
I was floating above the trees, with my lips connected with those of a beautiful figure.


Allez le voir, c'est tout.

dimanche 10 janvier 2010

Le métier de correcteur

La chose est suffisamment peu courante pour être signalée: un article récent sur le métier de correcteur (qui est, entre autres, celui de votre serviteur), article qui explique assez bien pourquoi le métier est en crise malgré son importance centrale dans le monde de l'édition.
Seuls bémols:
1. L'article met l'accent sur les publications littéraires, qui ne sont qu'une partie de la production éditoriale échue aux correcteurs... mais il est vrai que du fait de la notoriété de l'écrivain de littérature, dont le style est censé être inaliénable, l'exemple de la correction littéraire est particulièrement frappant: le métier de correcteur y apparait d'autant plus invisible que la place de l'auteur y est prépondérante.
2. La conclusion sur "la faute à Internet et aux portables" est tout à fait approximative, la réduction du nombre de corrections accordées à un manuscrit étant le plus souvent la conséquence de la soumission du monde de l'édition à une échelle de rentabilité qui n'est pas la sienne... mais celle de Dassault, Bouygues, Lagardère, Seillère et autres grands possesseurs de groupes d'entreprises qui rachètent d'année en année les maisons d'édition et les groupes de presse, et leur font par conséquent subir des taux de rentabilité auxquels ils n'ont pas l'habitude d'être soumis. "La faute à Internet et aux portables", c'est tout à fait vrai pour la presse, ça l'est beaucoup moins pour l'édition, qui était jusque dans les années 1990 un secteur tout à fait "rentable", mais dont l'appropriation par les grands groupes financiers dénature les objectifs financiers et les logiques de profit qui lui étaient jusqu'ici habituelles — dénaturation qui se répercute naturellement sur les stratégies éditoriales, et par suite sur la qualité des livres publiés. Le problème actuel des maisons d'édition au regard du marché, ce n'est pas tant qu'elles ne soient pas rentables, mais qu'elles ne le soient pas assez.

Merci à Langue sauce piquante d'avoir signalé cet article.

jeudi 7 janvier 2010

David vs Sibylle

Demain soir, salle Pleyel, aura lieu un petit évènement : la création du Requiem composé par Thierry Lancino, sur un livret de Pascal Quignard. L'oeuvre est basée sur la confrontation de deux forces : David, qui "aspire à l'éternité" ; et la Sibylle de Cumes, qui "réclame le néant". Pourquoi pas. Le concert sera retransmis en direct sur France Musique, voilà qui mérite d'être signalé !