Un récent billet de Pierre Assouline m'a amené à découvrir une réalité particulièrement alarmante: on brûle des bibliothèques en France. En banlieue "bien sûr", et pas pour des raisons d'obscurantisme religieux, comme cet été avec l'affaire Pascal Quignard.
Et pourquoi, alors que la bibliothèque est l'un des rares lieux publics d'accès gratuit où la discrimination est en principe absente? Car bien qu'un visage inoffensif, la bibliothèque présente encore un visage, celui de l'institution et de l'Etat, de l'autorité qu'on regarde avec méfiance dès lors qu'elle n'intervient pas directement sur le bien-être matériel de l'individu. Ce rejet des bibliothèques coïncide également, au moins partiellement je pense, à un rejet vis-à-vis de la culture de l'écrit, qui semble d'autant plus étrangère aux adolescents qu'ils savent de moins en moins bien lire, et que la lecture est devenue une activité marginale, qui passe après le désir d'un travail, d'une voiture et d'une télévision.
Non que la population des banlieues soit contre la culture écrite, il n'y a pas d'obscurantisme de classe, c'est plus compliqué que ça. Mais elle est en attente d'autre chose de la part de l'institution. La situation est à l'image de la bibliothèque d'Alexandrie: on ne sait pas exactement pourquoi la bibliothèque a brûlé, mais on se bat pour que ça ne recommence pas.
Non que la population des banlieues soit contre la culture écrite, il n'y a pas d'obscurantisme de classe, c'est plus compliqué que ça. Mais elle est en attente d'autre chose de la part de l'institution. La situation est à l'image de la bibliothèque d'Alexandrie: on ne sait pas exactement pourquoi la bibliothèque a brûlé, mais on se bat pour que ça ne recommence pas.
4 commentaires:
Autres témoignages intéressants sur la bibliophobie dans les banlieues: ceux des profs de français, qui disent en prendre plein la gueule.
Dans un billet récent, Judith Bernard, la prof de combat d'arrêt sur images (qu'on ne peut pas suspecter de sympathie à l'endroit de Tu-Sais-Qui), déclare se "prendre quotidiennement la gifle de leur hostilité" et ne plus en pouvoir.
article complet: http://www.bigbangblog.net/article.php3?id_article=705
On dirait que l'écrit est devenu un champ de bataille, et que les intellectuels sont un peu les "malgré nous" de cette guéguerre. Ce qui est inquiétant, c'est que les casseurs, capables de se fédérer (on l'a vu avec les émeutes), semblent parfois présenter un profil rêvé pour s'inscrire dans un mouvement de type faciste (pour peu que quelqu'un trouve les bons mots à dire à ceux d'entre eux qui veulent ne veulent de toute façon pas lire).
Faut arrêter avec l'écrit. Écrire c'est avant tout un outil. On devrait apprendre à bien l'utiliser plutôt que de se masturber sur la littérature.
Je n'attaque pas la littérature ceci dit, j'en ai marre qu'il y est un tel écart entre la littérature et le seul fait d'écrire, marre qu'il y est une telle sacralité de l'écrit.
Ce n'est qu'un outil. C'est seulement un outil. C'est juste un outil. Brûler une bibliothèque ce n'est pas pire que de casser un marteau.
M. Patouche: Je suis en partie d'accord avec toi, dans la mesure où en effet, les casseurs dans ce contexte précis n'ont pas vraiment en tête la littérature ou les idées quand ils brûlent une bibliothèque. Ils brûlent une bibliothèque comme ils brûleraient un abri-bus. Donc il ne faut pas sacraliser les bibliothèques, en faisant de leur incendie une profanation, là où il n'y a manifestement pas intention de rupture d'un cercle sacré. Comme l'abri-bus, la bibliothèque est un outil.
Néanmoins, la bibliothèque ne contient pas que de l'écrit, il contient également des oeuvres. Pas seulement des oeuvres littéraires, mais aussi du savoir. Et ça, ce n'est pas seulement un outil, c'est un achèvement, pas seulement un moyen, mais aussi une fin. En cela, l'incendie d'une bibliothèque est inquiétant du point de vue symbolique, même si bien sûr ces symboles ne sont pas nécessairement évidents pour la population très restreinte des casseurs.
Loin de moi l'idée de sacraliser l'écrit, j'ai juste voulu dire que la population des banlieues, tout comme l'ensemble de la population française d'ailleurs, s'éloignait de la culture de l'écrit, et que c'était pour cela qu'elle ne voyait dans les bibliothèques qu'un outil de contrôle idéologique, et pas un rassemblement d'achèvements intellectuels propres à émanciper l'individu.
Comment commenter les billets à coups de marteau. Merci Monsieur Patouche.
Je crois que personne ici n'a sacralisé l'écrit. Personnellement, j'ai une bonne raison d'abominer le culte du Livre: en tant que littéraire, on n'a pour ainsi dire pas le droit de toucher à ce fétiche hors des limites scolaires - bibliothèque, édition, librairie... tous ces domaines relèvent de formations plus sérieuses. Une fois j'ai passé un entretien pour bosser dans une librairie à ranger des livres - pardon "Le Livre" - le patron m'a dit qu'il ne faisait plus confiance à des lettreux pour ce boulot - et quand on y réfléchit, ce n'est pas forcément idiot.
Mais ici, il est question de personnels (assistants bibliothécaires, par exemple), qui sont inquiétés comme bien d'autres fonctionnaires, avec semble-t-il la circonstance aggravante de vivre au contact du papier (le fin mot de l'histoire étant peut-être que ce matériau flambe sans effort).
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