jeudi 30 octobre 2008

Dans la chambre des cartes

Le nouveau numéro de la revue en ligne Textimage, consacré aux Cartes et Plans, vient d'être publié. Où Olivier Leplatre nous explique que les utopies de la Renaissance sont cartographiables, où Ana-Maria Gîrleanu-Guichard nous introduit à la cartographie mystique du poète Christian Gabriel/le Guez Ricord, où Maïa Peyré fait le point sur l'usage des cartes et plans dans la littérature fantasy, et dans le cycle de La Roue du temps de Robert Jordan en particulier.

Carta Marina d'Olaus Magnus (1539)

Et où nous recommandons, en lecture complémentaire, la lecture du livre d'Elena Balsamo sur la Carta Marina d'Olaus Magnus, qui est une carte légendaire de la Scandinavie datant de la Renaissance. Chez José Corti. Carte dont on peut voir des détails agrandis, absolument superbes, sur le site de l'université du Minnesota.

jeudi 23 octobre 2008

Visages du livre

C'est le nom d'une exposition virtuelle proposée par la bibliothèque Carnegie à Reims, qui a suivi une exposition réelle au sein de cette belle et riche institution, du 11 mars au 30 avril derniers. L'exposition a pour thème la figure de frontispice et la page de titre, depuis leur invention à la Renaissance jusqu'à nos jours. Elle était assortie d'un colloque sur trois jours en mars dernier, auquel j'ai eu l'honneur de participer. C'était vraiment très intéressant : contrairement à d'autres colloques auxquels j'ai pu assister, dans lesquels tout le monde parle dans son coin, il y avait un vrai dialogue. Les actes devraient normalement à l'avenir, je l'espère, être publiés.

Page de titre de La Fabrique du corps humain d'André Vésale, 1542 (image prise ici)

L'exposition virtuelle est je trouve très bien conçue, et donne bien les jalons de l'histoire de cette figure imposée des arts du livre depuis la Renaissance, qui consiste à fournir un premier aperçu du contenu d'un ouvrage en une seule page à la position symbolique. De la page de titre architecturée à la couverture illustrée, en passant par la gravure indépendante en face de la page de titre, l'image a en tout cas son rôle à jouer dans la mise en scène du texte.

mercredi 15 octobre 2008

Cordes pincées au diapason du temps

Henrik Strinberg (b. 1954)

Mes divagations sur la toile m'ont fait tomber sur deux pièces tout à fait récentes pour guitare,
qui m'ont mis une idée troublante en tête : le "metal" s'invite désormais dans la pensée guitaristique moderne.
La pièce composée par Jeff Stanek fait intervenir une guitare électrique et un violoncelle. La musique est faible mais le cadre est posé, et l'usage intempestif du triton noyé dans une distorsion convulsive est sans appel (Derek Johnson n'est d'ailleurs pas mauvais dans cet emploi).
Love & Agression
L'autre pièce, à l'inverse, ne fait pas de référence explicite au metal, et pourtant je ne doute pas que si Fredrik Thordendal découvrait l'oeuvre de son génial compatriote Henrik Strinberg, il serait fort ému, car on croirait du Special Defects transfiguré en duo classique... Jubilatoire !
Unnggg

dimanche 12 octobre 2008

The Way of All Flesh

Bon, j'étais un peu dubitatif quand j'ai entendu tous les effets sur le chant et les bouts de sons digitaux par-ci par-là, mais non. A deuxième et troisième écoutes, le dernier album de Gojira confirme la réputation du groupe. Pour parler jeune, ça déchire sa race. Juste le troisième morceau, A Sight to Behold, que je trouve mal foutu et inutile, le reste est plein d'idées rythmiques et sonores phénoménales et vachement bien produites. The Art of Dying est notamment parmi mes titres préférés. Et puis le concept qui tourne autour des différentes conceptions de la mort et de la vie après la mort est assez bien mené. Ne pas s'attendre néanmoins au son brut et simple des deux premiers albums, le groupe a évolué et aime désormais les arrangements.

samedi 11 octobre 2008

Jamais deux sans trois

Le samedi 22 novembre à 9 heures, dans la salle des Colloques de l'université Grenoble 3-Stendhal, aura lieu la soutenance de la troisième thèse française sur les contes de Grimm. La première étant celle d'Ernest Tonnelat, en 1912, et la deuxième étant... la mienne, l'année dernière, quoique je n'aie étudié les contes que de seconde main, et que mon objet principal ait été les illustrations.

La thèse de Natacha Rimasson-Fertin a pour objet une étude comparée, à la fois littéraire et anthropologique (histoire des croyances populaires), des contes de Grimm et d'Afanassiev. C'est un doctorat d'allemand, qui a pour titre:

L'autre monde et ses figures dans les Contes de l'enfance et du foyer des frères Grimm et les Contes populaires russes d'A. N. Afanassiev.

Caspar David Friedrich, Brouillard, 1807, huile sur toile, 34,5x52cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum

Je précise simplement que Natacha est la traductrice de la prochaine édition critique des contes de Grimm, à paraître l'année prochaine chez Corti. Bon courage à elle pour la dernière ligne droite.

jeudi 9 octobre 2008

Jackson, Del Toro, Rackham, Tenniel au pays des merveilles

Très amusant compte-rendu d'interview de Guillermo Del Toro, le réalisateur des deux Hellboy et du Labyrinthe de Pan, où l'auteur du billet développe les liens entre ce dernier et Peter Jackson, réalisateur de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Où l'on apprend notamment que Guillermo Del Toro va tourner prochainement Bilbo le Hobbit en Nouvelle-Zélande, que les deux réalisateurs collectionnent les jouets, et que Del Toro est particulièrement amateur... des livres illustrés par Arthur Rackham et Edmond Dulac. Qui ne sont que très rarement, n'en déplaise à Aurélien Ferenczi, l'auteur du billet, des "romans victoriens", mais plutôt, en général, des classiques de la littérature mondiale, et en particulier de la littérature merveilleuse et légendaire.

Quand on voit certaines images de Del Toro, surtout dans Le Labyrinthe de Pan, il est évident qu'elles rappellent les images de Rackham, et les illustrations victoriennes en général. Comment ne pas penser aux illustrations de Tenniel pour Alice au Pays des Merveilles en voyant le costume bien apprêté de cette petite fille, et à celles de Rackham quand on voit cet arbre tordu, aux formes évocatrices? De même, dans l'image ci-dessous, l'héritage d'Alice au Pays des Merveilles est flagrant, avec son imagerie de petite fille rentrant dans un terrier et arrivant dans un long couloir souterrain qui l'achemine vers l'Autre Monde. A la différence que la version de Del Toro de l'Autre Monde est bien plus terrifiante que celle de Carroll, et qu'elle doit autant à Lovecraft ou à Clive Barker qu'à l'auteur d'Alice.


Pour information, Alice est représentée par John Tenniel, selon les injonctions de Lewis Carroll lui-même, comme une petite fille aux cheveux longs et blonds.
John Tenniel, illustration pour Alice, 1865.

Mais la véritable Alice, Alice Liddell, dont Lewis Carroll s'inspire pour écrire Alice au Pays des Merveilles, est connue par des photographies (toujours de Lewis Carroll) où elle porte ses cheveux bruns dans une coupe courte, au carré.
Lewis Carroll, portrait d'Alice Liddell, années 1860.

Quand Rackham illustrera à nouveau Alice au Pays des Merveilles en 1907, il suivra le parti de John Tenniel, qui avait été, sous les injonctions de Lewis Carroll, de dissimuler l'identité d'Alice Liddell sous une perruque blonde.
Arthur Rackham, illustration pour Alice, 1906.

C'est sous cette forme de petite fille aux longs cheveux blonds que l'on connaît généralement le personnage d'Alice, mais tous les illustrateurs ne l'ont pas représentée comme telle. Ainsi Charles Robinson, toujours en 1907, représente Alice les cheveux bruns, au carré... La très intéressante version en album, illustrée récemment par Jong Romano, représente encore une fois Alice brune avec une coupe mi-longue, mais avec des couettes cette fois-ci, histoire de la moderniser un peu. Tout se passe comme si nous n'avions que deux représentations possibles du personnage d'Alice: les cheveux courts (ou plutôt mi-longs) et bruns, ou longs et blonds. Le parti de Guillermo Del Toro, pour faire allusion au personnage de Carroll, a été de faire référence au type, sinon le moins fréquent, du moins le moins connu: celui aux cheveux bruns et mi-longs. Justement pour que sa référence au personnage de Carroll reste une simple allusion, et ne relève pas de l'évidence absolue.

Jong Romano, couverture pour Alice au Pays du Merveilleux Ailleurs, Au Bord des Continents, 2000.

Quant à l'influence des images de Rackham sur ce film, c'est une autre histoire. On a déjà vu les formes d'arbres tordus, qui doivent peut-être autant à l'univers de Tim Burton qu'à celui de Rackham (mais Tim Burton connaît très probablement lui-même très bien l'oeuvre de Rackham). Qu'il nous soit juste permis de faire allusion au livre que tient Ofélia au tout début du film (mes excuses si je n'ai pas d'image à montrer): c'est un livre de conte de fées illustré en silhouettes, genre de représentation dans lequel s'est particulièrement illustré Arthur Rackham...